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Guinée : la mobilisation contre un 3e mandat d’Alpha Condé continue en dépit des morts et des arrestations

En dépit des morts, la mobilisation contre un troisième mandat du président Alpha Condé s'est poursuivie, ce mardi 15 octobre 2019, en Guinée. Au deuxième jour d'une mobilisation meurtrière, de nouveaux heurts ont opposé des centaines de manifestants aux forces de l'ordre à Conakry, la capitale guinéenne.

Des centaines de jeunes très mobiles ont érigé des barricades, brûlé des pneus et lancé des pierres sur les policiers et gendarmes à nouveau massivement déployés à Cosa, Koloma ou encore Bambéto, quartiers périphériques de la capitale et fiefs de l'opposition, ont indiqué un correspondant de l'AFP et des témoins. Les forces de l'ordre ont riposté par des tirs de lacrymogènes.

Au moins cinq morts parmi les manifestants 

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un collectif qui réunit l'opposition et la société civile, avait appelé à manifester à compter du 14 octobre à 6h (heure locale). Le mot d'ordre a été suivi, mais le bilan était déjà lourd au premier jour de protestation. Il est passé à cinq manifestants tués, après la mort d'un chauffeur de 27 ans, atteint par balle à l'abdomen, selon le médecin qui l'a traité et son père. Les autorités ont fait état, elles, de deux morts, dont un gendarme.

La tension n'a cessé de monter depuis l'appel à manifester lancé il y a une semaine par le FNDC. Constituée en avril 2019, cette coalition rassemblant des partis d'opposition, des syndicats et des membres de la société civile s'oppose résolument à une révision de la Constitution évoquée par le pouvoir. Laquelle permettrait à Alpha Condé, 81 ans, de se présenter pour un troisième mandat, alors que la Constitution en limite le nombre à deux.

L'opposition s'attend à ce qu'il officialise bientôt la tenue d'un référendum constitutionnel. Elle dénonce un projet de coup d'Etat institutionnel et la dérive "dictatoriale" de celui qui fut lui-même un opposant historique ayant connu la prison pour son engagement contre différents régimes autoritaires, avant de devenir le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest.

Le gouvernement avait déclaré que la mobilisation était illégale faute de déclaration préalable. Il avait prévenu qu'il ne cèderait "pas le moindre centimètre carré au règne de l'anarchie". L'opposition a justifié l'absence d'une telle déclaration par l'existence, depuis juillet 2018, d'une interdiction officieuse de toute protestation des adversaires du gouvernement.

"Inquiétude grandissante" aux Nations unies

Au moins une vingtaine d'opposants ont été arrêtés samedi 12 octobre, selon le FNDC. Parmi eux, six responsables de la coalition. Ils ont été inculpés de "trouble à l'ordre public" et de propos "incitant à la révolte", puis écroués à la prison de Conakry, selon leur avocat Me Salifou Béavogui. Ils pourraient être jugés le 16 octobre, a-t-il affirmé. 

Policiers et gendarmes ont également bouclé le 14 les abords des domiciles de deux figures de l'opposition, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré. "Je demande aux Guinéens de continuer à manifester et à bloquer les voies jusqu'à ce que ce pouvoir comprenne qu'on ne nous imposera pas une dictature par la force", a promis Sidya Touré, joint au téléphone par l'AFP.

Malgré une amélioration par rapport aux sombres régimes précédents, des dizaines de manifestants ont été abattus par les forces de sécurité depuis l'accession d'Alpha Condé à la présidence en 2010. Plusieurs policiers et gendarmes ont été également tués par des manifestants. Depuis plus d'un an, le gouvernement interdit de fait les manifestations de rue, selon l'ONG Human Rights Watch.

L'ONU et l'ONG Amnesty International redoutent une escalade. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres "suit la situation avec une inquiétude grandissante", a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric à New York. Il exhorte tous les acteurs au dialogue et appelle les forces de sécurité à une "retenue maximale". "Etant donné leur bilan désastreux (en termes de respect des libertés), souligne Amnesty International dans un communiqué, les autorités doivent prendre des mesures immédiates pour briser le cycle de la violence avant qu'il n'échappe à tout contrôle."

 



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