Politique


Afrique

Liberia: l’élection présidentielle « suspendue » par la Cour suprême

La Cour suprême du Liberia a suspendu lundi sine die l'élection du nouveau président, en ordonnant à la Commission électorale nationale (NEC) d'examiner un recours d'un parti d'opposition.

Les plus de deux millions d'électeurs, qui étaient appelés aux urnes mardi pour départager le sénateur et ex-star du foot George Weah et le vice-président sortant, Joseph Boakai, arrivés largement en tête du premier tour le 10 octobre, devront donc encore patienter pour désigner le successeur de la présidente Ellen Johnson Sirleaf, Prix Nobel de la paix 2011.

Complexes, les procédures judiciaires pourraient prendre plusieurs semaines, même si la Cour suprême a enjoint la commission électorale d'agir au plus vite.

Cet imbroglio juridique fait peser des incertitudes sur la première transition démocratique depuis trois générations dans ce petit pays anglophone d'Afrique de l'Ouest, l'un des plus pauvres au monde, ravagé de 1989 à 2003 par l'une des plus atroces guerres civiles du continent, qui a fait quelque 250.000 morts.

Reprochant à la NEC d'avoir "fixé une date et préparé la tenue du second tour sans avoir au préalable examiné les plaintes faisant état d'irrégularités et de fraudes massives", la Cour suprême lui a interdit d'organiser le second tour avant d'avoir examiné les recours électoraux, et que la Cour elle-même ait éventuellement statué, si elle était saisie.

M. Boakai, pourtant issu du même parti que Mme Sirleaf, qui ne pouvait se représenter après deux mandats de six ans, a apporté son soutien au recours du candidat arrivé en troisième position, avec 9,6% des voix, l'avocat et vétéran de la politique Charles Brumskine.

Dans une déclaration à l'AFP lundi, le vice-président a confié "n'avoir jamais eu tellement confiance dans la NEC" pour assurer des élections libres et transparentes.

"La participation au second tour était suspendue à la condition que les irrégularités que nous avons observées soient réglées, et si cela se produit, et que nous avons l'assurance que la NEC est assainie, alors nous pourrons aller au second tour", a-t-il affirmé.

La Coalition pour le changement démocratique (CDC) de George Weah, arrivé largement devant Joseph Boakai, avec 38,4% des voix contre 28,8%, a pris acte de la décision de la Cour suprême, a déclaré son avocat, Phil Tarpeh Dixon.

"Nous ne pensons pas que ces élections étaient parfaites", a-t-il indiqué, estimant néanmoins que la volonté exprimée par le "peuple libérien était claire et qu'elle était favorable au CDC".

- Demande de récusation -

Les observateurs internationaux avaient jugé le déroulement du premier tour largement crédible malgré des problèmes d'organisation et de longs retards relevés dans de nombreux bureaux de vote.

Une source dans l'entourage de M. Weah a indiqué attendre la décision de la NEC "demain ou après-demain (mardi ou mercredi)" et avoir bon espoir que le processus électoral reprenne et que le second tour ait lieu le 14 ou le 21" novembre.

"D'ici quelques jours, nous espérons parvenir à des conclusions dans l'enquête", a assuré un juriste de la NEC, Musa Dean, après la décision de la Cour.

La Commission électorale a jusqu'au 22 novembre pour examiner le recours.

"Mes avocats vont demander aux commissaires (de la NEC, NDLR) de se récuser, puisqu'ils ont déjà préjugé des preuves et du dossier" en n'examinant pas le recours, a prévenu lundi M. Brumskine.

En cas de désaccord avec la décision de la NEC, le parti du candidat pourra saisir la Cour suprême dans les sept jours et celle-ci disposera d'un délai d'une semaine pour trancher. L'ensemble de ces procédures peuvent se prolonger jusqu'au 6 décembre.

Si elle invalide les résultats du premier tour, la Cour suprême devra même appeler à la tenue d'une nouvelle élection dans un délai de 60 jours, selon la Constitution.

MM. Boakai et Brumskine ont également accusé Ellen Johnson Sirleaf "d'interférence dans les élections" en raison de sa rencontre avec les responsables de la Commission électorale à son domicile avant le premier tour.

Signe de tensions, des inconnus ont jeté des pierres dimanche sur le domicile d'une des juges de la Cour suprême, a indiqué à l'AFP un porte-parole de la haute juridiction, assurant néanmoins que celle-ci ne se laisserait "ni contraindre ni intimider".

Avec l'AFP

 



Politique