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RDC – Lubero sous tension : entre peur et défiance face à l’avancée du M23
Un calme trompeur règne sur Lubero, petite cité nichée dans les collines verdoyantes du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Mais à seulement 50 kilomètres, le front se rapproche dangereusement. Depuis plusieurs semaines, les rebelles du M23 progressent, jetant une ombre menaçante sur cette région déjà fragilisée par des décennies de conflit.
Une population sur le qui-vive
Crispin Hinga, bourgmestre de Lubero, ne cache pas son inquiétude : « L’ennemi est tout proche », confie-t-il, désemparé, alors que nombre d’habitants ont déjà quitté la ville. Depuis début décembre, l’ONU estime à plus de 100 000 le nombre de déplacés ayant fui les combats, certains trouvant refuge chez des familles d’accueil, d’autres poursuivant leur exode vers le nord.
Dans les rues boueuses, des soldats des FARDC – l’armée congolaise – battus lors des récents affrontements, marchent silencieusement sous une pluie fine. Pendant ce temps, les marchés de Lubero tentent de maintenir une apparente normalité. « Il y a une psychose dans la population, mais l’administration fonctionne encore », assure Alain Kiwewa, administrateur militaire du territoire.
Entre les pillages et la défiance
Pour beaucoup, la menace ne vient pas seulement du M23. Des déplacés accusent également les forces gouvernementales de piller les villages lors de leur retraite. « Ils ont vidé toutes les maisons, il ne reste rien », dénonce Jeanne Masika, arrivée à Lubero après avoir tout perdu.
Sur place, la colère gronde aussi contre les hauts gradés de l’armée. « Nos soldats sont envoyés au front sans aucun soutien, ils finissent par battre en retraite à pied sur des kilomètres. Ce n’est pas surprenant qu’ils pillent ensuite pour survivre », regrette un responsable local, préférant garder l’anonymat.
Le poids de la désinformation
Dans un climat déjà tendu, les réseaux sociaux jouent un rôle néfaste. Les habitants dénoncent une inondation de messages alarmistes, propagés par des relais supposés du M23. « Il y a des traîtres dans notre armée », accuse Assa Paluku Mahamba, représentant d’une coalition de groupes locaux pro-gouvernementaux.
Cette suspicion est renforcée par des menaces directes reçues par des défenseurs des droits humains et des représentants de la société civile. « Si le M23 arrive, je serai forcé de fuir », confie un activiste, visiblement inquiet.
Un avenir incertain
Alors que les combats se poursuivent, les perspectives de paix restent floues. Une rencontre prévue entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, sous l’égide de l’Angola, a été annulée, soulignant l’impasse diplomatique actuelle. Sur le terrain, un récent remaniement à la tête de l’armée congolaise offre une lueur d’espoir, mais les défis restent immenses.
À Lubero, la peur est omniprésente. Si le M23 continue son avancée, cette ville pourrait devenir un nouveau théâtre de l’horreur qui déchire l’est de la RDC depuis plus de trois décennies.
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