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Trump, Biden et le reste du monde : analyse postélectorale

Joe Biden a gagné les élections face à Donald Trump, devenant le 46e président des États-Unis. Bonne nouvelle pour les uns, cauchemar pour les autres. Côté africain, la plupart des gens semblaient soutenir le candidat républicain au prétexte qu’il était le moindre mal. L’Afrique devrait-elle craindre le pire avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, comme l’affirment certains ?

Il faut se garder de jouer les « diseurs de bonne aventure » de la politique américaine. Tout va dépendre des priorités que le nouveau locataire de la Maison-Blanche va établir en matière de politique étrangère. S’il est vrai que les démocrates portent une lourde responsabilité dans les évènements qui ont ensanglanté l’Afrique subsaharienne depuis le début des années 1990, il n’en reste pas moins que les enjeux et les dynamiques géopolitiques et géoéconomiques de hier ne sont nécessairement pas ceux d’aujourd’hui. Ce qui semble certain de mon point de vue, c’est que les États-Unis vont certainement intensifier leur présence sur le continent africain.

Sous Donald Trump, les Yankees étaient déjà là, mais de manière un peu passive. La Maison-Blanche ne semblait pas avoir une politique africaine clairement définie. Avec Biden, cette posture, qui s’apparentait à une forme d’attentisme, va sûrement céder le pas à une diplomatie beaucoup plus agressive. Les démocrates étant plus moralisateurs que les républicains et le petit frère du Christ, il ne faudrait pas être surpris de voir l’administration Biden se mêler des affaires internes de plusieurs États africains. À une époque où l’ hégémonie économique, militaire et culturelle des États-Unis est contestée, voire bousculée par des puissances comme la Chine et la Russie, il faudra s’attendre à des ingérences tous azimuts à travers le monde.

Au regard de ce qui précède, doit-on pour autant affirmer que Donald Trump est préférable à Joe Biden ?

On sera tenté de dire oui si l’on se limite à analyser la question sous le seul angle des interventions étrangères, Trump ayant mené moins d’interventions que le duo Obama-Biden. Mais si l’on aborde la question de manière globale avec toutes les nuances nécessaires, difficile de trancher, de dire si l’un est meilleur ou pire que l’autre. Après tout, ce sont des dirigeants américains qui défendent avant tout les intérêts de leur pays.

Il est vrai que Donald Trump n’est pas un va-t-en-guerre; il est vrai aussi que s’il aime et pratique les rapports de force, parfois au-delà du raisonnable, il semble savoir s’arrêter à temps avant que la situation ne devienne incontrôlée. Sa politique étrangère, en apparence musclée, est de loin moins dévastatrice que celle du duo Obama-Biden. Mais le problème avec Donald Trump, c’est qu’il est tellement imprévisible qu’il peut devenir très dangereux tant pour lui-même que pour les autres. Son côté narcissique est si fort qu’il ne sait reculer, même quand la situation l’impose. Là où Obama intervenait en mesurant sérieusement les conséquences de ses actions, Donald Trump a agi en écoutant ses impulsions ainsi que la petite voix qui lui dit qu’il est le meilleur, ne mesurant pas sur le moment les conséquences de ses décisions.

Donald Trump est un homme qui est prêt à tout pour atteindre ses objectifs, quitte à provoquer le chaos si cela s’avère nécessaire. On l’a vu pendant les manifestations relatives à l’assassinat de George Floyd. Il n’a pas hésité à surfer sur le suprémacisme blanc et la division des Américains pour satisfaire sa base (composée majoritairement des Blancs), voire gagner davantage de Blancs racistes à sa cause. Si ce jusqu’au-boutisme lui a permis de mobiliser sa base en prévision des élections, il a également joué contre lui — un grand nombre d’Américains jugeant qu’un tel jusqu’au-boutisme pourrait se révéler dévastateur pour le pays à l’avenir.

Donald Trump n’a pas perdu les élections à cause de ses politiques, mais parce qu’il a été jugé suffisamment instable pour lui accorder 4 années de plus à la Maison-Blanche. Son narcissisme et surtout son imprévisibilité sont si inquiétants que lui accorder un autre mandat équivaut, aux yeux de la plupart des Américains (parmi lesquels on compte de nombreux républicains), à embarquer dans un avion piloté par un homme dont les facultés sont sujettes à caution.

Bref. Les populations occidentales préfèrent les dirigeants — qu’ils soient farceurs ou non — qui respectent les codes et qui, de temps à autre, leur disent ce qu’elles ont envie d’entendre. Comme les médias de masse, elles sont souvent allergiques aux dirigeants qui ne respectent pas les codes.

Ce qui compte dans ce bas monde de l’image, ce n’est pas tant ce que l’on fait, mais la manière dont on fait les choses. Entre un tueur qui sait dissimuler l’œuvre de ses mains et un pervers narcissique agité qui n’a jamais tué un lapin, on condamnerait facilement le second...

Patrick Mbeko



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