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Tribune : Du Franc CFA à l’ECO, est-ce une simple mue ?

Récemment une dépêche de l’AFP faisait état du transfert  de Cinq milliards d'euros de réserves de change des Etats ouest-africains utilisant le franc CFA  vers la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest conformément à la réforme de cette monnaie. Cependant il faut souligner que non seulement l’AFP a pris le soin de ne pas dévoiler sa source mais aussi que la BCEAO ne s’est pas encore prononcé sur cette dépêche.

D’abord, il faut rappeler que le franc CFA a été créé par la France pour ses colonies en 1945. Ensuite à l’indépendance, les pays africains concernés ont fait le choix  de la stabilité en la conservant. Optant ainsi pour une garantie de convertibilité illimitée que les offrait la France avec en contrepartie le dépôt en garantie de 50% de leurs réserves en devises auprès de la Banque de France. L’avantage de ce modèle pour les pays des zones CFA (Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale) est la stabilité de la devise et des prix.

Ce modèle les offre également la garantie de ne jamais manquer de devises pour l’importation. Car même dans le cas où il leur arrivait pour telle ou telle autre raison d’en manquer, la France les en avancerait. Par contre ce modèle de partenariat  pose le problème de la souveraineté des pays de la zone CFA car il faut reconnaitre qu’ils ne sont pas tout à fait responsables de leur politique monétaire de bout en bout. Ils sont limités dans leur capacité de création monétaire.

Le montant total des réserves actuelles s’élèveraient à 8000 milliards de francs CFA dont les 50% sont déposées dans un compte ouvert dans les livres du  trésor français et le reste, c’est-à-dire les autres 50% dans d’autres banques centrales hors de la Zone CFA. 

Ensuite, contrairement à ce qui se dit souvent à travers les réseaux sociaux, le compte de la BCEAO dans les livres du Trésor français abritant les 50% des réserves en devises est rémunéré à 0.75 points. Par contre, les autres 50% des réserves en devises ne sont non seulement pas rémunérées mais que la BCEAO payerait des frais de gestion aux Banques centrales qui les gèrent. Les réserves en devises de la BCEAO gérées par le trésor français ou dans les autres Banques Centrales fonctionnent comme des dépôts en garantie. C’est une épargne et par conséquent elle peut bien être retirée et le Président WADE, s’il n’est le premier, il ferait parti des premiers dirigeants africains à poser le sujet. Cependant pour continuer de garantir les capacités de satisfaire toute demande de conversion présentée, ces réserves doivent toujours être constituées et déposées dans des Banques Centrales extérieures de la zone CFA. 

A quoi servent les réserves en devises dont il est souvent question ? Parmi les attributs d’une monnaie, il y a la convertibilité sur laquelle est assise la confiance qui en est un élément primordial. En effet la convertibilité désigne la propriété d’une monnaie d’être librement inchangeable à tout moment contre de l’or ou contre une devise étrangère, ce qui suppose que les autorités soient toujours en capacité de satisfaire toute demande de conversion présentée. 

Enfin, le 21 décembre 2019 à Paris, la France et les États de l'Union monétaire ouest-africaine ont signé un accord de réforme du franc CFA, qui deviendra l'ECO en maintenant la parité fixe avec l'euro. La France se retirerait des instances de décision de la Banque Centrale de la nouvelle monnaie, Les billets et les pièces de monnaie changeraient. Par ailleurs bien qu’il soit indiqué que le taux de change entre l’ECO et l’Euro reste fixe, rien n’indique encore qu’il sera au niveau actuel c’est-à-dire 1 Euro = 655,957 FCFA.

Le passage du CFA à l’ECO est-il une simple mue à l’image du reptile qui se débarrasse de sa vieille peau, ou une vraie réforme qui prend en charge les aspirations légitimes de souveraineté et de développement des économies des pays de la zone CFA.  Lorsque nous aurons tous les contours de la nouvelle monnaie, la réponse à cette question coulera de source.

Sayfoulaye BALDE



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