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RDC : Ceux qui pensent que le Président de la République peut invoquer l’article 69 de la constitution pour dissoudre l’assemblée nationale se trompent

Je lis de plus en plus des congolais, juristes et professionnels de droit de surcroît, invoquer l’article 69 de la Constitution de la RDC comme base pouvant donner au Président de la République la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale, en évitant de faire application des articles 148 (qui posent les conditions de la dissolution) et 79 (qui astreint l’ordonnance du Président dans le cas d’espèce au contreseing du Premier ministre). Sans nul doute, ces compatriotes se trompent.

S’il n’est pas qu’une simple déclaration des principes n’ayant aucune conséquence juridique comme l’affirment certains, l’article 69 de la Constitution du 18 février 2006 n’accorde pas non plus des super-pouvoirs au Président de la République comme tentent de soutenir les autres.

Commençons d’abord par circonscrire cette disposition querellée. Elle est libellée comme suit : « Le Président de la République est le Chef de l’État. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect de la Constitution de la RDC. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux ».

En réalité, cette disposition - qui  est un clonage imparfait de l’article 5 de la Constitution française de 1958 -, pose tout simplement quelques principes pour se prémunir des dysfonctionnements des pouvoirs publics et des institutions de la République. Il pose aussi, comme le dit le constitutionnaliste Ghislain Mabanga,  les attributs de la pérennisation de l’État à travers l’institution Président de la République .

De toute évidence, la formulation utilisée dans cet article 69 est claire. D’abord, il est accordé au Président de la République la fonction de chef de l’État . Il lui est accordé ensuite la mission de représenter la nation et d’en être le symbole de l’unité ; de veiller au respect de la Constitution et d’assurer le fonctionnement régulier de l’État, aussi bien sur le plan politique (principe de la continuité de l’État) que sur le plan administratif (principe de la continuité et de la régularité des services publics).

Et enfin, face aux menaces endogènes et exogènes constituant un danger pour la survie de la nation, le Président est crédité de la mission d’être le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux.

Ainsi donc, il n’y a pas de confusion à faire entre cette disposition (article 69) et le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale reconnu au Président de la République et soumis à quelques conditionnalités (article 148). Pour autant, la nécessité d’invoquer l’article 69 dans ce débat peut se faire sentir dès lors que la condition de fond pour dissoudre l’Assemblée nationale est déjà remplie (crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée).

En l’espèce, les consultations du Premier ministre et des présidents de deux chambres du Parlement prévues dans l’article 148 (al.1) donne du sens au pouvoir du Président de la République définis dans l’article 69 en ce qu’il permet au chef de l’État de tenter, par son arbitrage, une conciliation entre les deux institutions en crise dans sa casquette de garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions .about:blank

Ce qui veut dire en d’autres termes que même si l’on se trouve devant une crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, le Président ne peut invoquer l’article 69 seulement qu’en sa qualité d’arbitre avant d’appliquer l’article 148 de la Constitution.

En outre, comme le fait remarquer le professeur Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE, l’arbitrage en droit constitutionnel ne consiste pas en une compétence juridictionnelle, mais bien en une prérogative de sollicitation du pouvoir compétent.

Dans le cas d’espèce c’est le chef du Gouvernement qui doit solliciter le Président s’il se trouvait devant un cas d’ingouvernabilité. [Constantin Yatala Nsomwe NT, « La mise en place de l’Interinstitutionnelle au regard des prérogatives du Président de la République selon l’article 69 de la Constitution.

Voilà succinctement ce à quoi pourrait servir l’article 69 de la Constitution dans le processus de la maturation décisionnelle qui prononcerait la dissolution de l’Assemblée nationale.

Aller au-delà pour penser que l’article 69 octroie en lui-même des super-pouvoirs au Président de la République au point de constituer la seule base pour dissoudre l’Assemblée nationale, outrepassant les articles 148 et 79,  relève d’une interprétation extensive et abusive de cette disposition qui existe avec le même sens dans presque toutes les autres constitutions africaines.

Par Aimé GATA-KAMBUDI

Diplômé d’études supérieures en Droit public approfondi. Il est également analyste, consultant et expert des questions juridiques et politiques au sein du Think tank DESC-WONDO.ORG



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