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Le commerce des bases militaires à Djibouti

Djibouti, pays d’à peine 23.000 Km situé dans la corne de l’Afrique est depuis quelques temps le centre névralgique d’une quantité importante de bases militaires. Les occupants ; la France, les Etats-Unis, le Japon et la Chine, pour n’en citer que ceux-là. L’attractivité de ce petit pays de l'Afrique de l'Est est la conséquence de sa position stratégique centrale dans le contrôle d'une des routes maritimes les plus empruntées au monde. Comme le rappel spécialiste en Afrique de l’Est, Gérard Prunier : « Être présent à Djibouti permet d’assurer le contrôle du détroit de 28 kilomètres de large, Bab-el-Mandeb. Plus de 40% du pétrole mondial dans le monde passe par cet étroit corridor ».

Malgré des frontières déjà sécurisées par des états puissants, entre autres la France, le président Ismaïl Omar Guelleh, compte depuis quelques temps, assurer la sécurité et le contrôle de son espace maritime avec ses propres forces armées ; avec l’aide conjointe de la France. Cette volonté a été introduite par le gouvernement Djiboutien en Mars 2017 par un accord basé sur la coopération en matière de sécurité maritime des eaux territoriales djiboutiennes.

Cet accord entre les deux nations comprend un renforcement dans les échanges d’informations des deux forces maritimes dans le but de mieux sécuriser les flux maritimes de la zone du pays. Pourtant, on comprend que le gouvernement djiboutien désire un contrôle majoritaire sur sa zone, car il interdit aux avions français de survoler les zones limitrophes de l’Erythrée qui est opposée aux avions de l’armée de l’air française.

À la différence des pays basant leur économies essentiellement sur les ressources naturelles, Djibouti a décidé d’entrer dans un commerce des plus particuliers ; celui des bases militaires. Cette activité peu commune, est l’une des clés de son essor pour une économie plus florissante, grâce à l’installation des principales bases militaires du monde. Selon Sonia Le Gouriellec, Chercheur Afrique de l'Est à l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire.

« Les loyers payés par les sept pays qui ont des troupes à Djibouti s’élèveraient à un peu plus de 170 millions de dollars. C’est un peu plus du 10% du budget national du pays, même si nous ne connaissons pas réellement avec exactitude le loyer payé par la Chine pour sa base» Bien qu’alléchante, cette activité comprend plusieurs anomalies pour le peuple djiboutien.

Les recettes tirées des différentes bases militaires dépendent d’une nation à une autre et cela met en difficulté la souveraineté même de la nation, quoi que, le gouvernement djiboutien détient le droit d’expulser les occupants de leur terre s’ils le désirent. Il est important de préciser que la principale source de revenus reste le port pour Djibouti, elle est également le principal débouché maritime de l’économie djiboutienne.

bases militaires

Afin d’assouplir les négociations avec les puissances occupants leur terres, le gouvernement djiboutien en plus de pouvoir annuler un contrat selon son bon vouloir, dispose également du pouvoir de mettre en compétition les états locataires ou d’accueillir de nouveaux occupants, parfois rivaux avec ceux qui sont présent, dans le but d’accroitre la pression gouvernemental et maintenir un certain niveau de contrôle sur leurs terres. Sans ces tactiques de pouvoir, il serait inconcevable qu’un petit pays tel que le Djibouti, classé au 171ème rang en termes de PIB nominal puisse s’asseoir et négocier avec les plus grandes puissances, sans se faire dominer ou dégrader les relations diplomatiques existantes ou futures.

Par la même occasion, cette singularité que confère ce commerce particulier, permet à l’état djiboutien d’avoir une place unique sur la scène internationale et de bénéficier par la même occasion, d’infrastructure moderne, imposante et durable. Malgré les investissements colossaux, en outre la Chine avec plus 14 milliards de Dollars investis depuis 2012, le pays se voit être plongé dans une mare de dette difficile à rembourser.

Si malgré cela, la Chine continue d’octroyer massivement des dettes au gouvernement Djiboutien (Pékin détient 70% de la dette djiboutienne, s’élevant selon les estimations à plus d’un milliards de dollars américains) c’est en partie parce que Djibouti est perçue comme la porte d’entrée des intérêts chinois vers l’Afrique de l’Est. Leur relation étroite avec le gouvernement Djiboutien leur a permis d’avoir le contrôle sur les chemins de fer et les transports vers l’Ethiopie.

Bien que cette stratégie mette en péril la stabilité et l’indépendance économique du pays, le gouvernement central Djiboutien garde espoir que la construction de ces infrastructures sera l’un des éléments qui rendra le pays financièrement stable et indépendant.

Cependant, en dépit de tous les investissements et de tous les « loyers » perçus depuis le début de cette opération, les habitants de Djibouti n’ont toujours pas vu leur quotidien s’améliorer. A l’exception des membres du pouvoir dont la richesse ne fait qu’accroitre, au détriment de la population. En effet, le taux de chômage dépasse les 45%, la population vit avec moins de 3 dollars par jour et moins de 60% des jeunes ne parviennent pas à compléter le cycle d’école primaire (rapport de 2017).

De ce fait, suite à un carence de personne qualifiées dans le pays, le gouvernement est constamment obligé de faire appel à une main d’œuvre étrangère, nous rappelons son classement (classé 209ème sur 228 pays) désastreux dans l’indicateur du développement humain de l’ONU (2018).

Lionel Kos'Isaka,



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